« Sales gauchers ! » : la stigmatisation humoristique des gauchers dans les arts martiaux historiques européens

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Par George Jennings
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Les gauchers, qui représentent 10 à 13 % de l’humanité, sont surreprésentés dans les sports de combat. Pourtant, au cours des siècles, le fait d’être gaucher a été associé à la malchance, à la maladresse, à la sorcellerie et à la diablerie. Les styles d’escrime historiques et les manuscrits qui les expliquent ont été élaborés à l’intention de droitiers qui combattaient des adversaires eux aussi droitiers. Les versions réinventées de ces arts martiaux historiques européens (HEMA, AMHE), qui prospèrent aujourd’hui partout dans le monde, forment une sous-culture à part et spécifique. Cet article s’inspire d’une ethnographie en cours de la Blade Academy (pseudonyme) au Royaume-Uni, sur la base de mon propre apprentissage et de mes observations comme gaucher. Inspiré par le métacadre des corps linguistiques (Di Paolo et al., 2019), j’examine comment les techniques destinées à l’origine aux droitiers sont adaptées aux gauchers. Fondée sur l’idée de stigmate de Goffman (1963) et celle de « violation bénigne » ou benign violation (McGraw & Warren, 2010), mon analyse décrit les approches humoristiques de la stigmatisation dans un monde de droitiers. Les blagues sur ces « sales gauchers » (par opposition aux « droitiers et aux justes ») évoquent des siècles de stigmatisation depuis l’époque romaine, alors que la sinistra (« sinistre », au sens littéral) constitue désormais un sujet de plaisanterie. J’entends montrer que l’inclusion de groupes précédemment exclus (comme celui constitué par les gauchers) est bien accueillie, même si l’humour qui l’accompagne révèle un fonds historique de discrimination.

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