Effets des intercommunications verbales entre élèves sur l'apprentissage moteur : exemple de l'apprentissage de l'Appui Tendu Renversé en gymnastique
Résumé
Ce travail est une contribution à l’étude des intercommunications verbales entre pairs dans l’apprentissage de l’appui tendu renversé (ATR). Il se situe dans la lignée des pensées de Vygotsky, de Galperine et de l’école de Genève.
La recherche a consisté à contrôler les conditions de l’apprentissage de l’ATR en milieu scolaire chez des élèves de 16 à 17 ans. La population d’étude a été constituée par deux groupes de 34 élèves (17 filles et 17 garçons) répartis chacun en 8 sous-groupes de même genre. Les deux groupes ont suivi deux démarches différentes d’enseignement : une démarche socioconstructiviste où l’intercommunication verbale entre élèves était autorisée, tandis que dans l’autre démarche, constructiviste, la communication verbale n’était autorisée qu’entre enseignant et élèves.
Quatre variables furent mesurées au cours d’un protocole faisant alterner les phases d’action et d’interaction entre les partenaires. Ces variables sont les suivants : l’acquisition motrice de l’ATR, sa rétention, l’intériorisation des consignes relatives à l’apprentissage de l’ATR et le genre.
Les résultats ont révélé l’importance des conditions d’intercommunication verbale pour la première et la troisième variable. Pour ce qui est de la rétention de l’ATR, une supériorité non significative de pourcentage fut notée pour les conditions d’apprentissage par intercommunication. Cependant, celle-ci est confortée par un phénomène isolé relevé à cette occasion. En effet, nous avons enregistré alors une réussite de l’ATR par une jeune fille qui n’avait pu respecter les différents critères de réalisation ni aux tests d’acquisition et de rétention, ni durant les différentes séances d’apprentissage.
Lors d’un entretien clinique à l’issue du test de rétention, cette élève a assuré n’avoir réalisé aucun entraînement relatif à l’ATR entre les deux tests. Mais elle a aussi déclaré avoir reçu à la séance d’apprentissage n? 3 de précieuses explications verbales de la part d’une camarade plus experte, qui l’ont amenée à mieux comprendre ensuite. Enfin, nos résultats ont montré que la démarche d’enseignement socio-constructiviste n’est pas influencée par le genre des apprenants.
La médiation sémiotique s’avère ainsi utile pour le développement cognitif et moteur de l’élève, qu’il soit fille ou garçon. En effet, nous ne pouvons pas négliger l’effet des intercommunications entre apprenants sur le développement cognitif ni l’importance des interventions explicatives du partenaire qui peuvent expliciter ou simplifier la réponse motrice. Cette intervention est même bénéfique à l’explicateur. À l’encontre du modèle traditionnel, où l’interaction sociale ne peut exister qu’entre enseignant et élèves, notre travail réalisé dans le cadre de l’EPS tend à réhabiliter l’emploi du « bavardage » dans la pédagogie.
Encore peu connue dans le domaine éducatif il y a quelques décennies au profit des conceptions purement constructivistes, l’approche socioconstructiviste semble être l’objet aujourd’hui d’un gain d’intérêt dans les discours relatifs à l’enseignement scolaire de l’EPS. La communication verbale entre élèves apparaît en effet comme un « plus » pédagogique. Mais son influence dans l’apprentissage ne doit pas être surestimée à l’excès. En effet, les thèses socioconstructivistes laissent une large part aux processus intimes d’intériorisation d’activités dans des conditions optimales de silence : l’analyse clinique du cas particulier rencontré lors de notre expérimentation l’illustre clairement.