Actualité scientifique

Par Ahcene Kasmi
Français

Résumé

Lors de cette recherche doctorale [1], nous avons mis en évidence les présences successives et majoritaires de trois générations de footballeurs professionnels algériens (les « migrants sportifs » de 1954 à 1972, les « migrants familiaux » de 1972 à 1988 et les « nés en France » de 1988 à 2002) dans les clubs français de première et seconde division. Pour écrire la socio-histoire de ces joueurs dans le Championnat de France (194 y travaillent de 1954 à 2002) et en équipe nationale algérienne, nous avons confronté diverses sources orales -une soixantaine d’entretiens « récits de vie » menés en France et en Algérie- et écrites : presse française et algérienne et archives personnelles des footballeurs, du C.I.O., de la F.A.F., de la F.I.F.A., de la Ligue d’Alger de Football et du Musée de la Préfecture de Police de Paris. Du match France-Afrique du Nord au match France-Algérie, en combinant méthode prosopographique et reconstruction quantitative de cette population sportive, nous avons souhaité éclairer de manière inédite les migrations sportives complexes en articulant les facteurs socioculturels avec les conditions historiques de leurs productions.
Ainsi, nous avons souligné le fait que ces migrations, entre la France et l’Algérie, sont conditionnées par la mise en jeu d’un capital sportif dans un marché concurrentiel et d’opportunités historiques à saisir. Outre l’existence indispensable de réseaux sportifs et extra-sportifs qui peuvent aider les joueurs à traverser la Méditerranée et à atteindre un pays relativement proche, ces migrations sportives s’expliquent par les perspectives socioéconomiques (permettant un espoir d’ascension sociale) et par des contextes politiques, dans un strict cadre fédéral et étatique réglementé en France et en Algérie. Au sein de cette relation historique entre ces deux pays qui pendant 132 ans n’en furent qu’un, ces migrations sportives s’expliquent aussi par des raisons culturelles que nous avons cherché à articuler avec celles évoquées précédemment. Autrement dit, les effets de double culture de ces footballeurs les poussent, quels que soient les pays où ils sont nés et ont grandi, à développer à la fois le désir de travailler dans le Championnat de France de football (« désir de France ») et celui de jouer pour l’équipe nationale algérienne (« désir d’Algérie »).
À la période coloniale comme postcoloniale, cette acculturation à la modernité occidentale depuis l’Algérie est essentielle dans la construction du projet migratoire des footballeurs et se déroule sensiblement selon les mêmes modalités. Quant au choix des footballeurs professionnels « algériens de France » (« migrants familiaux » et « nés en France », tous fils de travailleurs immigrés) de défendre massivement les couleurs algériennes, il s’explique aussi par des facteurs complémentaires et congruents (sportifs, économiques et politiques) qui doivent être mis en relation avec le façonnement familial et socioculturel de leur « identité algérienne ».

Mots-clés

  • socio-histoire
  • football professionnel
  • migration sportive
  • France
  • Algérie
  • acculturation
  • ambivalence
  • prosopographie
  • « désir de France »
  • « désir d’Algérie »
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